Article d’un membre – Les liens entre l’autisme et le kink
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Recon News
29 avril 2025
Par le Dr Liam Wignall
Bienvenue pour ce deuxième article approfondi sur les liens entre le kink et la psychologie. Je suis le Dr Liam Wignall, psychologue et chercheur spécialisé dans le kink. Le premier article de blog portait sur la santé sexuelle et les événements kink, que vous pouvez lire via le lien ci-dessous. À l'occasion de la fin du mois de sensibilisation à l'autisme, ce blog explore certaines recherches sur les liens entre autisme et kink.
Avant d'approfondir, il est important de comprendre ce que nous entendons par autisme.
L'autisme peut se manifester de manière variable selon les individus, et de nombreuses idées fausses circulent sur sa nature. L'autisme est une différence neurodéveloppementale qui affecte la façon dont une personne perçoit et évolue dans le monde. Les personnes autistes ont souvent des difficultés avec les règles sociétales implicites concernant les conversations informelles et l'étiquette sociale, et préfèrent les conversations plus profondes et constructives. Elles ont aussi tendance à être directes plutôt que de tourner autour du pot.
Les comportements non verbaux conventionnels, comme les contacts visuels, leur paraissent souvent gênants, voire pénibles. Pour s'adapter aux situations sociales, les personnes autistes imitent souvent les comportements et le langage corporel des autres afin de masquer leur « différence » - un processus qui peut s'avérer très fatigant !
Les autistes se distinguent également par leurs comportements en rapport avec leurs intérêts. Ils préfèrent souvent la routine, la prévisibilité et l'uniformité, comme avoir une heure de coucher régulière ou consulter le menu d'un restaurant en ligne à l'avance et planifier leur commande. Lorsque ces routines et ces plans sont perturbés, cela peut être une source de stress et d'anxiété. Ces personnes ont également tendance à s'intéresser aux détails avec intensité. Durant l'enfance, cela peut se traduire par une obsession pour les collections d'autocollants ou de cartes Pokémon, et à l'âge adulte, cette obsession peut perdurer.
En termes de prévalence, les recherches estiment qu'environ 1 enfant américain sur 44 est autiste, et des estimations plus prudentes évoquent 1 personne sur 100. La complexité des manifestations de l'autisme rend difficile l'obtention d'un diagnostic officiel, ce qui conduit les personnes à s'autodiagnostiquer et à éviter d'avoir recours aux soins médicaux. Par conséquent, ces statistiques pourraient sous-représenter les taux d'autisme dans la population générale.
Les personnes autistes peuvent subir des interactions négatives de la part de personnes qui ne comprennent pas leurs différences. Comme les adeptes du kink, elles peuvent se sentir marginalisées par une société qui ne comprend pas leurs intérêts et leurs communautés.
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Maintenant que vous connaissez quelques faits sur l'autisme, quelles recherches ont été menées pour explorer les liens entre le kink et l'autisme ? Eh bien, très peu.
Pour répondre à cette question, j'ai analysé les traits autistiques au sein d'une sous-population de kinks : la sous-culture du pup play (sur laquelle j'ai publié de nombreux articles scientifiques). Mes collègues et moi avons mené une enquête mondiale en ligne auprès de 413 personnes pratiquant le pup play, en examinant divers aspects de ce jeu, notamment comment et pourquoi les gens y participent, les liens avec le pup play et d'autres kinks, ainsi que son lien avec la santé mentale et le bien-être.
À la fin de l'enquête, nous avons inclus le questionnaire du spectre autistique (AQ-S). Ce questionnaire comprend 28 questions et mesure les traits autistiques (c'est-à-dire les caractéristiques associées à l'autisme). Ce n'est pas un outil de diagnostic, mais un score élevé est probablement révélateur de l'autisme. Un score de 65 ou plus au test AQ-S constitue souvent un seuil permettant de distinguer les participants autistes des non-autistes. N'oubliez pas qu'environ une personne sur 44 obtient un score supérieur à 65 ou plus au test.
Quels sont les résultats obtenus par les pups ? Nous avons constaté qu'un participant sur deux a obtenu un score supérieur à 65 ou plus au test AQ-S. Cela suggère que les traits autistiques sont beaucoup plus répandus dans la sous-culture des pups que dans la population générale, où seul 1 participant sur 44 est susceptible d'atteindre ce seuil. Nous avons analysé les données et constaté que les personnes présentant des traits autistiques élevés étaient généralement plus jeunes et plus susceptibles de s'identifier comme pup ou comme maître (plutôt qu'un mélange des deux) - ce qui est logique étant donné que les autistes préfèrent souvent occuper des rôles spécifiques, et diminuer les incertitudes.
Nous avons également constaté que les participants présentant des traits autistiques marqués étaient moins susceptibles d'appartenir à une communauté pup, mais qu'ils souhaitaient en faire partie activement. Je pense que le désir de « trouver sa tribu » est une chose à laquelle la plupart des kinksters peuvent s'identifier, et constitue l'un des véritables avantages que présentent les événements comme la Fetish Week de Londres ou Folsom. Nous savons que les autistes ont beaucoup de mal à trouver une communauté, et il est inquiétant de constater que cela peut aussi arriver dans les espaces fétichistes.
Enfin, nous avons examiné le lien entre les identités pup et les traits autistiques, et avons constaté que les personnes présentant le plus de traits autistiques étaient moins liées à la communauté, et s'identifiaient moins à leur rôle de chiot. L'autisme (et la neurodiversité en général) étant stigmatisé dans la société, les personnes présentant des traits autistiques peuvent se distancer d'autres activités stigmatisées (par exemple, le fétichisme et le pup play).
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Je mène actuellement une étude auprès de pups autistes pour savoir ce qui les attire dans le pup play et dans le kink (bien que mes analyses de données soient encore en cours) et il existe deux justifications principales : les motivations sensorielles et les motivations sociales.
Les vêtements kinky sont agréables à porter : la sensation de constriction du caoutchouc, le craquement du cuir rigide, la compression du Lycra. Certaines personnes m'ont confié apprécier la sensation du port des tenues fétichistes, mais aussi que ça les aidait à réguler leurs informations sensorielles. Certains autistes sont sensibles au bruit ou à la lumière ; porter une cagoule peut donc réduire le bruit et limiter la vision, leur permettant ainsi de se concentrer sur le plaisir.
Les motivations sociales sont un peu plus approfondies. Les personnes autistes peuvent se sentir stigmatisées par la société. Les kinksters ressentent souvent la même chose. Il est logique que ces groupes trouvent du réconfort à discuter et à s'amuser avec d'autres personnes qui savent ce que veut dire être marginalisé. Souvenez-vous de la première fois que vous avez assisté à un événement fétichiste et à quel point c'était agréable de rencontrer plein de personnes comme vous, vivant des expériences similaires ; c'en était presque rafraîchissant. C'est ce que les participants m'ont décrit.
Les personnes autistes ont souvent tendance à mal interpréter les situations sociales et à adopter des « comportements d'autostimulation » (un mouvement physique ou une vocalisation pour s'autoréguler, se détendre ou simplement ressentir du plaisir), comme claquer des doigts ou manipuler certains objets. Ces comportements peuvent paraître inhabituels au quotidien, mais les participants m'ont confié qu'ils se sentent à l'aise avec le fait de les reproduire dans des contextes liés au kink : « Je peux très bien claquer des doigts et avoir un type déguisé en chien à côté de moi ; on est tous bizarres dans le kink, et c'est ça que j'adore. »
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Pour terminer, je tiens à souligner l'importance d'inclure l'autisme au sein des communautés fétichistes et en ligne. Si les personnes autistes se sentent seules ou exclues, ce n'est pas à cause de leur autisme, mais de la façon dont les gens réagissent à celui-ci.
En tant que communauté queer inclusive, ouverte et conviviale, nous devons soutenir la différence et la diversité. J'ai beaucoup d'amis autistes et fétichistes, et la scène est bien plus forte grâce à eux. Sensibiliser à l'inclusion de l'autisme au sein du kink ne peut qu'améliorer la communauté, Recon et la société.
Si vous voulez en savoir plus sur ce sujet, je ferai une présentation lors de la Masterclass à Fetish Week London le mercredi 9 juillet 2025.
Si vous souhaitez obtenir plus d'informations sur ce sujet, vous pouvez accéder aux sites web ci-dessous.
*** Si vous souhaitez partager une expérience fétichiste dans un article, veuillez nous envoyer vos idées ou une première ébauche à : social@recon.com
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